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Èstér ­ Èstér ­ Esther


Liminaire pour Èstér

     Le contenu de ce volume est bien connu: Ahashvérosh (Xerxès pour les Grecs, Assuérus pour les Latins), roi des Perses et des Mèdes, répudie la reine Vashti puis épouse la belle Èstér (Esther), que patronne son oncle Mordekhaï (Mardochée). Celui-ci découvre un complot dirigé contre le roi et le sauve. Mais le ministre Hamân, jaloux de Mordekhaï, essaie de perdre les Iehoudîm. Èstér intervient, dénonce Hamân et sauve son peuple. Mordekhaï prend la place de Hamân comme premier personnage après le roi. Les Iehoudîm se vengent de leurs ennemis.

     Le récit est mené de main de maître, avec simplicité, par un auteur qui connaît le poids des mots et sait ménager ses effets. Depuis des siècles, il tient ses lecteurs en haleine, du premier jusqu’au dernier mot.

     Traditionnellement, le récit avait été considéré comme rapportant des faits authentiques jusque dans les moindres détails. Il a fallu arriver au XVIIIe siècle pour que son caractère historique soit mis en question. Et il est vrai qu’Ahashvérosh a bien régné sur la Perse de 486 à 465. De surcroît, un texte découvert à Borsippa (Perse) parle d’un ministre nommé Mardouk ou Mordekhaï, justement à cette époque. De plus, l’auteur connaît parfaitement les coutumes perses et les lieux qu’il décrit. Mais, sur ce fond de vérité, les critiques découvrent de nombreuses difficultés chronologiques ou historiques. La femme de Xerxès, selon Hérodote, ne s’appelait ni Vashti ni Èstér, mais Amestris. L’étonnante promotion d’Èstér et de Mordekhaï semble bien improbable, dans le contexte de l’époque, comme aussi la découverte d’un complot. On souligne aussi le caractère naïf d’un récit fait avant tout pour émouvoir. Il s’agit donc probablement d’une composition libre, d’un récit d’imagination, écrit pour expliquer la célébration de la fête des Pourîm, qui a dû être à l’origine une sorte de carnaval comme beaucoup de peuples en célèbrent à la fin de l’hiver.

     L’introduction du livre d’Èstér dans le canon de la Bible a donné lieu à controverse, notamment parce que le nom d’Elohîms n’y figure pas, sans doute aussi à cause de l’hostilité dont il témoigne à l’égard des nations. Une fois consacré, l’ouvrage est devenu parmi les Juifs l’un des plus populaires de la Bible. Un certain Lysimaque, fils d’un Ptolémée de Jérusalem, l’a traduit en grec, et son oeuvre a été introduite en Égypte en 78 ou 77 avant l’ère chrétienne. Elle contient six passages qui ne se trouvent pas dans le texte hébreu actuel. On les trouvera plus loin (p. 1835). Il est probable que différentes versions, en hébreu, de l’histoire d’Èstér ont circulé avant la mise en forme définitive du texte. Dans la synagague de Doura-Europos, des représentations de scènes de la vie d’Èstér n’ont pas d’équivalents dans les textes que nous possédons de ce livre.


Chapitre 1.

Un festin

1.     Et c’est aux jours d’Ahashvérosh, lui Ahashvérosh,
le régent de Hodou à Koush: cent vingt-sept cités.
2.     En ces jours où le roi Ahashvérosh siège
sur le trône de son royaume à Shoushân, la capitale,
3.     en l’an trois de son règne, il fait un festin pour tous ses chefs,
ses serviteurs, l’armée de Paras, de Madaï,
les gérontes et les chefs des cités en face de lui.
4.     Il leur montre la richesse de la gloire de son règne,
la précieuse splendeur de sa grandeur,
des jours multiples: cent quatre-vingt jours.
5.     Ces jours remplis, le roi fait, pour tout le peuple
qui se trouvait à Shoushân, la capitale, du grand au petit,
un festin de sept jours dans la cour du jardin et du pavillon du roi,
6.     écru, coton, indigo, saisis par des cordons de byssus et de pourpre,
sur des globes d’argent et des colonnes de marbre;
lits d’or et d’argent,
sur un dallage de porphyre, de marbre, de nacre, d’agate;
7.     breuvages dans des vases d’or, des vases, des vases divers,
et un vin royal, abondant comme la main du roi;
8.     une beuverie en règle, sans contrainte,
parce qu’ainsi le roi avait fixé à tous les grands de sa maison
de faire la volonté de chaque homme.
9.     Même Vashti, la reine, fait un festin de femmes,
dans la maison royale du roi Ahashvérosh.

La répudiation de Vashti

10.     Le septième jour, quand le coeur du roi est bien dans le vin,
il dit à Mehoumân, Bizta, Harebona, Bigta, Abagta, Zétar et Karkas,
les sept eunuques qui officient face au roi Ahashvérosh,
11.     de faire venir Vashti, la reine, face au roi, avec la couronne royale,
pour montrer aux peuples et aux chefs sa beauté:
oui, elle est bien à voir.
12.     Mais la reine Vashti refuse de venir à la parole du roi
par la main des eunuques. Le roi écume fort. Sa fièvre s’allume en lui.
13.     Le roi dit aux sages qui connaissent les temps
que telle est la parole du roi
en face de tous ceux qui connaissent la loi et le droit;
14.     ses proches, Karshena, Shétar, Admata, Tarshish,
Mèrès, Marsena, Memoukhân,
les sept chefs de Paras et Madaï,
qui voient les faces du roi et siègent en premier dans le royaume:
15.     « Selon la loi, que faire à la reine Vashti
parce qu’elle n’a pas fait ce que le roi Ahashvérosh avait dit
par la main des eunuques ? »
16.     Memoukhân dit face au roi et aux ministres:
« Ce n’est pas contre le roi seul que Vashti, la reine, a tort,
mais contre tous les chefs et contre tous les peuples
dans toutes les cités du roi Ahashvérosh.
17.     Oui, la parole de la reine sortira vers toutes les femmes,
pour rendre leurs maris méprisables à leurs yeux, quand elles diront:
‹ Le roi Ahashvérosh a dit de faire venir Vashti, la reine,
en face de lui, et elle n’est pas venue ! ›
18.     Ce jour-là, les princesses de Paras et Madaï
qui auront entendu la parole de la reine
le diront à tous les chefs du roi. Assez de mépris et d’écume !
19.     Si c’est bien pour le roi, la parole royale sortira en face de lui
et sera écrite dans les lois de Paras et Madaï et ne passera pas:
Vashti ne viendra plus en face du roi Ahashvérosh.
Le roi donnera sa royauté à l’une de ses compagnes meilleure qu’elle.
20.     Le décret du roi qui sera fait sera entendu dans tout son royaume
­ oui, il est multiple ­,
et toutes les femmes donneront de l’estime à leur mari, du grand au petit. »
21.     La parole est bien aux yeux du roi et des chefs.
Le roi fait selon la parole de Memoukhân.
22.     Il envoie des actes à toutes les cités du roi,
à chaque cité et cité selon son écriture,
à chaque peuple et peuple selon sa langue,
pour que tout homme soit maître dans sa maison
et y parle selon la langue de son peuple.

Chapitre 2.

Mordekhaï et Èstér

1.     Après ces paroles, quand la fièvre du roi Ahashvérosh se modère,
il se souvient de Vashti, de ce qu’elle a fait
et de ce qui a été décrété contre elle.
2.     Les adolescents du roi, ses officiants, disent:
« Qu’ils demandent pour le roi des adolescentes vierges, bien à voir.
3.     Le roi préposera des préposés dans toutes les cités de son royaume.
Ils grouperont toute adolescente, vierge, bien à voir,
à Shoushân, la capitale, dans la maison des femmes
en main de Hégaï, l’eunuque du roi,
qui garde les femmes et donne leurs onguents.
4.     L’adolescente qui plaira aux yeux du roi régnera à la place de Vashti. »
La parole plaît aux yeux du roi; il fait ainsi.

5.     Un homme, un Iehoudi, était à Shoushân, la capitale.
Son nom, Mordekhaï bèn Iaïr bèn Shim‘i bèn Qish,
un homme de Iemini.
6.     Il avait été exilé de Ieroushalaîm,
dans l’exil qui avait été exilé avec Yekhonyah, roi de Iehouda,
qu’avait exilé Neboukhadrèsar, roi de Babèl.
7.     Il est le parrain de Hadassa, elle, Èstér, la fille de son oncle,
car elle n’avait ni père ni mère.
L’adolescente est belle de tournure et bien à voir.
À la mort de son père et de sa mère,
Mordekhaï l’avait prise à lui pour fille.

Èstér au harem

8.     Et c’est à l’audition de la parole du roi et de sa loi,
quand de multiples adolescentes sont groupées à Shoushân, la capitale,
en main de Hégaï, Èstér est prise à la maison du roi,
en main de Hégaï, le gardien des femmes.
9.     L’adolescente plaît à ses yeux et apporte le chérissement en face de lui.
Il se hâte de lui donner ses onguents, ses parts,
et sept adolescentes de la maison du roi, aptes à lui être données.
Il la distingue en bien avec ses adolescentes dans la maison des femmes.
10.     Èstér n’avait rien rapporté sur son peuple ni son enfantement;
oui, Mordekhaï lui avait ordonné de ne pas le rapporter.
11.     Tous les jours, Mordekhaï va en face de la cour de la maison des femmes,
pour savoir si Èstér est en paix et ce qu’il est fait d’elle.
12.     Le tour de chaque jeune fille arrive pour venir enfin
vers le roi Ahashvérosh
après avoir subi la loi des femmes, douze lunaisons.
Oui, ainsi se remplissent les jours de leurs onguents:
six lunaisons dans l’huile de myrrhe,
six lunaisons dans les aromates et les onguents des femmes.
13.     Avec cela l’adolescente vient vers le roi.
Il lui est donné tout ce qu’elle dit, pour venir avec,
de la maison des femmes à la maison du roi.
14.     Le soir elle vient, et le matin elle retourne à la maison des femmes,
la deuxième, en main de Sha‘ashgaz,
l’eunuque du roi, le gardien des concubines.
Elle ne viendra plus vers le roi,
sauf si le roi la désire et si elle est criée en nom.

La reine Èstér

15.     Quand arrive le tour d’Èstér, la fille d’Abihaïl,
l’oncle de Mordekhaï, qui l’avait prise à lui pour fille,
de venir vers le roi, elle ne demande pas une parole,
sinon ce que lui avait dit Hégaï, l’eunuque du roi, le gardien des femmes.
Et c’est Èstér, la porteuse de grâce aux yeux de tous ceux qui la voient.
16.     Èstér est prise pour le roi Ahashvérosh, en sa maison royale,
la dixième lunaison, la lunaison de Tébét, en l’an sept de son règne.
17.     Le roi aime Èstér plus que toutes les femmes;
elle porte grâce et chérissement en face de lui plus que toutes les vierges.
Il met la couronne royale sur sa tête;
il la fait régner à la place de Vashti.
18.     Le roi fait un grand festin pour tous ses chefs et serviteurs,
le festin d’Èstér.
Il fait un allégement pour les cités,
et donne des charges à main de roi.
19.     Quand les vierges sont groupées une deuxième fois,
Mordekhaï siège à la porte du roi.
20.     Èstér ne rapporte pas son enfantement ni son peuple,
comme Mordekhaï le lui avait ordonné.
Èstér fait la parole de Mordekhaï,
comme lorsqu’elle était en tutelle chez lui.

Le complot

21.     En ces jours, Mordekhaï siège à la porte du roi.
Bigtân et Tèrèsh, deux eunuques du roi, gardiens du seuil, écument;
ils demandent à porter la main contre le roi Ahashvérosh.
22.     Mordekhaï connaît le propos. Il le rapporte à Èstér, la reine.
Èstér le dit au roi, au nom de Mordekhaï.
23.     Le propos est recherché et trouvé; les deux sont pendus à un arbre.
Et c’est écrit dans l’acte: « Paroles des jours », en face du roi.

Chapitre 3.

L’oppresseur des Iehoudîm

1.     Après ces paroles, le roi Ahashvérosh fait grandir
Hamân bèn Hamdata, l’Agagui.
Il le porte et met son trône au-dessus de tous les chefs qui sont avec lui.
2.     Tous les serviteurs du roi, à la porte du roi, s’inclinent,
ils se prosternent devant Hamân; oui, le roi l’ordonne ainsi.
Or Mordekhaï ne s’incline pas, il ne se prosterne pas.
3.     Les serviteurs du roi, à la porte du roi, disent à Mordekhaï;
« Pourquoi passes-tu outre à l’ordre du roi ? »
4.     Et c’est quand ils le lui disent jour après jour
et qu’il ne les entend pas, ils le rapportent à Hamân
pour voir si les paroles de Mordekhaï tiennent;
oui, il leur avait rapporté qu’il était un Iehoudi.
5.     Hamân voit que Mordekhaï ne s’incline pas,
qu’il ne se prosterne pas devant lui.
Hamân se remplit de fièvre.
6.     Il est méprisable à ses yeux de porter la main contre Mordekhaï seul;
mais ils lui rapportent quel est le peuple de Mordekhaï.
Hamân demande à exterminer tous les Iehoudîm
de tout le royaume d’Ahashvérosh, le peuple de Mordekhaï.
7.     La première lunaison, la lunaison de Nissân,
en l’an douze du roi Ahashvérosh,
il fait tomber le Pour ­ c’est le sort ­ en face de Hamân,
jour après jour, lunaison après lunaison,
jusqu’à la douzième lunaison, c’est la lunaison d’Adar.
8.     Hamân dit au roi Ahashvérosh: « Il existe un peuple dispersé
et séparé parmi les peuples, dans toutes les cités de ton royaume.
Leurs lois diffèrent de celles de tous les peuples.
Les lois du roi, ils ne les appliquent pas.
Il ne vaut rien au roi de les laisser.
9.     Si c’est bien pour le roi, il sera écrit de les perdre.
Je pèserai dix mille talents d’argent
aux mains des exécuteurs de l’ouvrage, à faire venir aux trésors du roi. »
10.     Le roi ôte de sa main sa bague et la donne
à Hamân bèn Hamdata l’Agagui, l’oppresseur des Iehoudîm.
11.     Le roi dit à Hamân: « L’argent t’est donné et le peuple
pour en faire comme bien à tes yeux. »
12.     Les actuaires du roi sont appelés à la première lunaison, le treizième jour.
Il est écrit tout ce que Hamân ordonne
aux satrapes du roi, aux pachas des cités et des cités,
aux chefs des peuples et des peuples,
cité et cité selon son écriture, peuple et peuple selon sa langue,
écrit au nom du roi Ahashvérosh, et scellé avec la bague du roi.
13.     Les actes sont envoyés en main de coureurs vers toutes les cités du roi,
pour exterminer, tuer et perdre tous les Iehoudîm,
de l’adolescent à l’ancien, marmaille et femmes, en un seul jour,
le treize de la douzième lunaison, la lunaison d’Adar, et leur butin, le piller.
14.     Copie de l’écrit est donnée en loi à toute cité et cité,
découverte pour tous les peuples, d’être prêts ce jour-là.
15.     Les coureurs sortent en hâte avec la parole du roi.
La loi est donnée à Shoushân, la capitale.
Le roi et Hamân s’assoient pour boire; la ville de Shoushân s’égare.

Chapitre 4.

Une clameur amère

1.     Mordekhaï savait tout ce qui s’était fait.
Mordekhaï déchire ses habits, se revêt de sac et de poussière.
Il sort dans la ville. Il clame, une grande clameur amère.
2.     Il vient jusqu’en face de la porte du roi,
car il ne devait pas venir à la porte du roi en vêtement de sac.
3.     Dans chaque cité et cité, au lieu où la parole du roi et sa loi arrivent,
c’est grand deuil pour les Iehoudîm,
jeûne, pleurs, lamentation, sac, poussière étendue pour la multitude.
4.     Les adolescentes d’Èstér, ses eunuques viennent et le lui rapportent.
La reine en est fort émue.
Elle envoie des habits pour en vêtir Mordekhaï
et pour qu’il écarte son sac loin de lui. Il n’accepte pas.
5.     Èstér appelle Hatakh, un des eunuques du roi,
qu’il avait placé en face d’elle.
Elle lui donne ordre de savoir: « Qu’est-ce et pourquoi ? »
6.     Hatakh sort vers Mordekhaï, vers les places de la ville,
face à la porte du roi.
7.     Mordekhaï lui rapporte tout ce qui était advenu,
l’affaire de l’argent que Hamân avait dit de peser pour le trésor du roi,
contre les Iehoudîm, pour les perdre;
8.     la copie de l’écrit de la loi donnée à Shoushân pour les exterminer,
il la lui donne pour la montrer à Èstér,
pour le lui rapporter et lui ordonner de venir vers le roi
demander grâce et implorer en face de lui, pour son peuple.
9.     Hatakh vient. Il rapporte à Èstér les paroles de Mordekhaï.
10.     Èstér dit à Hatakh et l’ordonne à Mordekhaï:
11.     « Tous les serviteurs du roi et le peuple des cités du roi
savent que tout homme ou femme qui vient vers le roi
dans la cour intérieure sans être convoqué, sa loi est une:
le mettre à mort. Seul celui à qui le roi tend son sceptre d’or vit.
Et moi je n’ai pas été appelée pour venir chez le roi voici trente jours ! »
12.     Ils rapportent à Mordekhaï les paroles d’Èstér.
13.     Mordekhaï dit de répondre à Èstér:
« N’imagine pas en ton être échapper dans la maison du roi,
seule de tous les Iehoudîm.
14.     Oui, même si tu te taisais, te taisais en ce temps,
le soulagement et le sauvetage se dresseraient,
pour les Iehoudîm, d’un autre lieu.
Mais toi et la maison de ton père vous seriez perdus.
Et qui sait si ce n’est pas pour un temps semblable
que tu es arrivée au règne ? »
15.     Èstér dit de répondre à Mordekhaï:
16.     « Va, réunis tous les Iehoudîm qui se trouvent à Shoushân.
Jeûnez pour moi: ne mangez pas, ne buvez pas pendant trois jours,
nuit et jour. Moi aussi je jeûnerai ainsi avec mes adolescentes.
Ensuite, je viendrai chez le roi, ce qui n’est pas selon la loi.
Si je suis perdue, je suis perdue ! »
17.     Mordekhaï passe. Il fait tout, comme le lui a ordonné Èstér.

Chapitre 5.

Le sceptre d’or

1.     Et c’est le troisième jour. Èstér revêt le vêtement royal.
Elle s’arrête dans la cour intérieure de la maison du roi,
devant la maison du roi.
Le roi siège sur le trône de son royaume, dans la maison du royaume,
devant l’ouverture de la maison.
2.     Et c’est quand le roi voit Èstér, la reine, debout dans la cour,
elle porte grâce à ses yeux.
Le roi tend à Èstér le sceptre d’or qui est en sa main.
Èstér s’approche; elle touche la tête du sceptre.
3.     Le roi lui dit: « Qu’as-tu, reine Èstér ? Quelle est ta demande ?
Il te sera donné jusqu’à la moitié du royaume ! »
4.     Èstér dit: « Si c’est bien pour le roi,
le roi viendra avec Hamân aujourd’hui, au festin que je fais pour lui. »
5.     Le roi dit: « Hâtez-vous auprès de Hamân pour faire la parole d’Èstér. »
Le roi vient avec Hamân au festin qu’Èstér fait.
6.     Le roi dit à Èstér au festin de vin:
« Quelle est ta question ? Cela te sera donné.
Et quelle est ta demande ? Elle sera accordée jusqu’à la moitié du royaume. »
7.     Èstér répond et dit: « Ma question et ma demande,
8.     si j’ai trouvé grâce aux yeux du roi et si c’est bien pour le roi
de résoudre ma question et d’accorder ma demande,
que le roi vienne avec Hamân au festin que je ferai pour eux.
Demain je ferai selon la parole du roi. »
9.     Hamân sort en ce jour, joyeux, le coeur bien.
Mais quand Hamân voit Mordekhaï à la porte du roi,
qu’il ne se lève pas et ne bronche pas devant lui,
Hamân est plein de fièvre contre Mordekhaï.
10.     Hamân se maîtrise et vient à sa maison.
Il mande et fait venir ses amis, et Zèrèsh, sa femme.
11.     Hamân leur raconte la gloire de sa richesse, la multitude de ses fils,
combien le roi l’a fait grandir et l’a porté
au-dessus des chefs et des serviteurs du roi.
12.     Hamân dit: « La reine Èstér aussi n’a fait venir que moi seul
avec le roi au festin qu’elle a fait;
et demain aussi je suis invité chez elle avec le roi.
13.     Mais tout cela ne vaut rien pour moi,
tout le temps où je vois Mordekhaï, le Iehoudi,
siéger à la porte du roi. »
14.     Zèrèsh, sa femme, lui dit avec tous ses amis:
« Qu’ils fassent un bois haut de cinquante coudées.
Le matin, dis-le au roi, et qu’ils y pendent Mordekhaï.
Puis viens avec le roi au festin, joyeux. »
La parole excelle en face de Hamân. Il fait le bois.

Chapitre 6.

Le vêtement royal

1.     En cette nuit, le sommeil du roi errait.
Il dit de faire venir l’acte des mémoires « Paroles des jours ».
2.     Il s’y trouve écrit ce que Mordekhaï avait rapporté
contre Bigtân et Tèrèsh, les deux eunuques du roi, des gardiens du seuil,
qui cherchaient à porter la main contre le roi Ahashvérosh.
3.     Le roi dit: « Qu’a-t-il été fait
d’estime et de grandeur à Mordekhaï pour ceci ? »
Les adolescents du roi, ses officiants, disent:
« Pas une parole n’a été faite pour lui. »
4.     Le roi dit: « Qui est dans la cour ? »
Hamân vient dans la cour extérieure de la maison du roi
pour dire au roi de pendre Mordekhaï
sur le bois qu’il avait préparé pour lui.

5.     Les adolescents du roi lui disent:
« Voici Hamân, il est debout dans la cour. » Le roi dit: « Qu’il vienne ! »
6.     Hamân vient. Le roi lui dit:
« Que faire à un homme que le roi désire honorer ? »
Hamân se dit en son coeur:
« À qui le roi désirerait-il faire honneur plus qu’à moi ? »
7.     Hamân dit au roi: « L’homme que le roi désire faire honorer,
8.     ils feront venir le vêtement royal que revêt le roi,
le cheval sur lequel le roi est monté
et la couronne royale sera mise sur sa tête.
9.     Le vêtement et le cheval seront donnés
en main d’un homme des chefs du roi, des gérontes,
et ils revêtiront l’homme dont le roi désire l’honneur.
Ils le feront monter à cheval sur la place de la ville,
et ils crieront en face de lui:
‹ Il est fait ainsi à l’homme que le roi désire honorer ›. »
10.     Le roi dit à Hamân: « En hâte, prends le vêtement et le cheval
ainsi que tu l’as dit, et fait ainsi à Mordekhaï le Iehoudi,
qui siège à la porte du roi.
Ne laisse pas tomber une parole de tout ce dont tu as parlé. »
11.     Hamân prend le vêtement et le cheval. Il revêt Mordekhaï.
Il le fait chevaucher sur la place de la ville.
Il crie en face de lui:
« Il sera fait ainsi à l’homme que le roi désire honorer: »
12.     Mordekhaï retourne à la porte du roi.
Hamân se presse vers sa maison, endeuillé, la tête recouverte.
13.     Hamân raconte à Zèrèsh, sa femme, et à tous ses amis
tout ce qui lui est advenu.
Ses sages, et Zèrèsh sa femme, lui disent:
« Si Mordekhaï est de la semence des Iehoudîm,
lui en face duquel tu as commencé à tomber, tu ne pourras rien contre lui.
Oui, tu tomberas, tu tomberas en face de lui. »
14.     Ils lui parlaient encore quand arrivent les eunuques du roi.
Ils affolent Hamân pour le faire venir au festin qu’Èstér faisait.

Chapitre 7.

Quelle est ta demande ?

1.     Le roi vient avec Hamân pour boire avec la reine Èstér ?
2.     Le roi dit à Èstér, le deuxième jour aussi, au festin de vin:
« Quelle est ta demande, reine Èstér ? Elle te sera donnée.
Et quelle est ta requête ?
Elle te sera accordée jusqu’à la moitié du royaume. »
3.     La reine Èstér répond. Elle dit: « Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, roi,
et si c’est bien pour le roi,
que mon être me soit donné pour ma demande
et mon peuple pour ma requête.
4.     Oui, nous avons été vendus, moi et mon peuple,
pour être exterminés, tués, perdus !
Si nous avions été vendus en tant qu’esclaves et domestiques,
je me serais tue; mais non, l’oppresseur n’évalue pas le dommage du roi ! »

5.     Le roi Ahashvérosh dit, il dit à la reine Èstér:
« Quel est-il, celui-là, et d’où est-il,
celui dont le coeur s’est empli pour faire ainsi ? »
6.     Èstér dit: « L’homme, l’oppresseur, l’ennemi, c’est Hamân, ce mal ! »
Hamân est terrifié en face du roi et de la reine.
7.     Le roi dans sa fièvre se lève du festin de vin au jardinet du pavillon.
Hamân se dresse pour demander à la reine Èstér son être;
oui, il avait vu que pour lui le malheur était achevé de la part du roi.

La pendaison de Hamân

8.     Le roi retourne du jardin du pavillon à la maison du festin du vin.
Hamân tombe sur le lit où se trouvait Èstér.
Le roi dit: « Est-ce aussi pour conquérir la reine,
avec moi dans la maison ? »
La parole sort de la bouche du roi. Les faces de Hamân se recouvrent.
9.     Harebona, l’un des eunuques, dit en face du roi:
« Voici aussi le bois que Hamân avait fait pour Mordekhaï,
qui a parlé pour le bien du roi.
Il se dresse dans la maison de Hamân, haut de cinquante coudées. »
Le roi dit: « Pendez-le dessus. »
10.     Ils pendent Hamân sur le bois qu’il avait préparé pour Mordekhaï.
La fièvre du roi se modère.

Chapitre 8.

La bague du roi

1.     En ce jour, le roi Ahashvérosh donne à la reine Èstér
la maison de Hamân, l’oppresseur des Iehoudîm,
et Mordekhaï vient en face du roi;
oui, Èstér lui avait rapporté qui il était pour elle.
2.     Le roi ôte sa bague qu’il avait reprise à Hamân.
Il la donne à Mordekhaï.
Èstér installe Mordekhaï dans la maison de Hamân.
3.     Èstér continue, elle parle en face du roi.
Elle tombe à ses pieds et lui demande la grâce
d’écarter le maléfice de Hamân l’Agagui
et son dessein qu’il préméditait contre les Iehoudîm.
4.     Le roi tend à Èstér le sceptre d’or.
Èstér se lève et se dresse en face du roi.
5.     Elle dit: « Si c’est bien pour le roi, si j’ai trouvé grâce en face de lui,
si la parole est régulière face au roi
et si je suis bien à ses yeux, moi, il sera écrit de retourner
les actes de la pensée de Hamân bèn Hamdata, l’Agagui,
qu’il avait écrits pour perdre les Iehoudîm de toutes les cités du roi.
6.     Oui, comment pourrais-je voir le malheur qui trouverait mon peuple,
et comment pourrais-je voir la perte de ma patrie ! »
7.     Le roi Ahashvérosh dit à la reine Èstér et à Mordekhaï le Iehoudi:
« Voici la maison de Hamân; je l’ai donnée à Èstér.
Lui, ils l’ont pendu sur le bois
pour avoir porté sa main contre les Iehoudîm.
8.     Et vous, écrivez sur les Iehoudîm comme il sera bien à vos yeux,
au nom du roi, et scellez-le avec la bague du roi;
oui, un écrit au nom du roi et scellé avec la bague du roi
il n’y a rien à y répondre. »
9.     Les actuaires du roi sont appelés en ce temps,
à la troisième lunaison, la lunaison de Sivân, le vingt-trois.
Il est écrit tout ce que Mordekhaï ordonne pour les Iehoudîm,
aux satrapes et pachas, aux chefs des cités,
de Hodou à Koush, cent vingt-sept cités,
cité et cité selon son écriture, peuple et peuple selon sa langue,
et aux Iehoudîm selon leur écriture et selon leur langue.
10.     Il écrit au nom du roi Ahashvérosh et scelle avec la bague du roi.
Il envoie les actes en main de coureurs à cheval,
montés sur les coursiers royaux, les poulains des haras,
11.     par lesquels le roi donne aux Iehoudîm qui sont dans toute ville et ville
de se rassembler et de se dresser sur leur être pour exterminer,
tuer et perdre toute l’armée du peuple ou de la cité qui les oppresserait,
eux, la marmaille et les femmes, ou qui les pillerait, pour le butin.

Un grand nimbe d’or

12.     En un seul jour, dans toutes les cités du roi Ahashvérosh,
le treize de la douzième lunaison, elle, la lunaison d’Adar,
13.     copie de l’écrit est donnée en loi en toute cité et cité,
découverte à tous les peuples,
afin que les Iehoudîm soient prêts pour ce jour-là à se venger
de leurs ennemis.
14.     Les coureurs montés sur les coursiers royaux sortent
affolés et pressés avec la parole du roi.
La loi est donnée à Shoushân, la capitale.

15.     Mordekhaï sort face au roi en vêtement royal,
indigo, écru, avec un grand nimbe d’or,
et une houppelande de byssus et de pourpre.
La ville de Shoushân hennit et se réjouit.
16.     Pour les Iehoudîm c’est la lumière et la joie, l’exultation et l’estime.
17.     Dans toute cité et cité, dans toute ville et ville,
au lieu où la parole du roi et sa loi arrivent,
pour les Iehoudîm c’est la joie, l’exultation, un festin, un jour faste !
Parmi le peuple de la terre, ils sont multiples à se faire Iehoudîm:
oui, le tremblement devant les Iehoudîm était tombé sur eux.

Chapitre 9.

La vengeance

1.     À la douzième lunaison, la lunaison d’Adar, le treizième jour,
alors que la parole du roi et sa loi arrivent pour être exécutées,
le jour où les ennemis des Iehoudîm s’impatientaient pour les dominer,
c’est l’inverse: ce sont les Iehoudîm qui dominent leurs haineux.
2.     Les Iehoudîm se sont rassemblés dans leurs villes,
dans toutes les cités du roi Ahashvérosh,
pour porter la main sur les chercheurs de leur malheur.
Personne ne se dresse contre eux;
oui, leur tremblement était tombé sur tous les peuples.
3.     Tous les chefs des cités, les satrapes, les pachas,
les exécuteurs de l’ouvrage du roi portaient les Iehoudîm:
oui, la peur de Mordekhaï était tombée sur eux.
4.     Oui, Mordekhaï est grand dans la maison du roi;
sa rumeur va dans toutes les cités.
Oui, l’homme Mordekhaï allait et grandissait.
5.     Les Iehoudîm frappent tous leurs ennemis;
coup d’épée, tuerie, perdition;
ils font ce qu’ils veulent de leurs haineux.
6.     À Shoushân, la capitale, les Iehoudîm tuent
et perdent cinq cents hommes:
7.     Parshandata et Dalphôn et Aspata
8.     et Porata et Adalia et Aridata
9.     et Parmashta et Arissaï et Aridaï et Vayezata.
10.     Les dix fils de Hamân bèn Hamdata, l’oppresseur des Iehoudîm,
ils les tuent. Ils n’envoient par leur main au pillage.
11.     En ce jour, le nombre des tués à Shoushân, la capitale,
parvient en face du roi.
12.     Le roi dit à la reine Èstér: « À Shoushân, la capitale,
les Iehoudîm ont tué cinq cents hommes,
et les dix fils de Hamân sont perdus.
Dans le reste des cités du roi, qu’ont-ils fait ? Quelle est ta demande ?
Elle t’est donnée, et quelle est encore ta requête ? Elle t’est accordée. »
13.     Èstér dit: « Si c’est bien pour le roi,
il donnera demain aussi aux Iehoudîm de Shoushân
de faire selon la loi de ce jour,
et que les dix fils de Hamân soient pendus sur le bois. »
14.     Le roi dit qu’il soit fait ainsi. Une loi est promulguée à Shoushân.
Ils pendent les dix fils de Hamân.

La fête de Pourîm

15.     Les Iehoudîm de Shoushân se rassemblent aussi
le quatorzième de la lunaison d’Adar.
Ils tuent à Shoushân trois cents hommes,
mais ils ne lancent pas leur main au pillage.
16.     Le reste des Iehoudîm, des cités du roi, se rassemblent;
ils se dressent sur leur être, se reposent de leurs ennemis,
tuent leurs haineux et tuent de leurs ennemis soixante-quinze mille;
mais ils ne lancent pas leur main au pillage.
17.     Le treizième jour de la lunaison d’Adar,
le quatorzième, ils se reposent et font un jour de festin et de joie.
18.     Les Iehoudîm de Shoushân se rassemblent
le treize de cette lunaison et le quatorze.
Le quinze, ils se reposent, ils font un jour de festin et de joie.
19.     Sur quoi, les Iehoudîm dispersés, habitant des villes sans muraille,
font du quatorzième jour de la lunaison d’Adar, joie, festin, jour faste,
où chaque homme fait envoi de parts à son compagnon.

20.     Mordekhaï écrit ces paroles. Il envoie des actes à tous les Iehoudîm
qui sont dans toutes les cités du roi Ahashvérosh,
les proches et les lointains,
21.     d’accomplir pour eux et d’être à faire
le quatorzième jour de la lunaison d’Adar
et le quinzième jour, année après année,
22.     comme des jours où les Iehoudîm se reposent de leurs ennemis,
et une lunaison où, pour eux, l’affliction tourne à la joie,
le deuil en jour faste, pour en faire des jours de festin et de joie,
d’envoi de parts, chaque homme à son compagnon,
et de dons aux pauvres.
23.     Les Iehoudîm acceptent ce qu’ils avaient commencé à faire
et ce que leur avait écrit Mordekhaï.
24.     Oui, Hamân bèn Hamdata, l’Agagui, l’oppresseur de tous les Iehoudîm,
avait pensé perdre les Iehoudîm.
Il avait jeté le Pour ­ c’est le sort ­, pour les bouleverser et les perdre.
25.     Mais venant en face du roi, il dit qu’avec l’acte
sa pensée de malheur qu’il avait préméditée contre les Iehoudîm
retournerait contre sa tête: ils le pendent, avec ses fils, sur le bois.
26.     Ainsi ils ont appelé ces jours Pourîm, selon le nom de Pour.
Ainsi pour toutes les paroles de cette missive
et pour ce qu’ils avaient vu en ceci,
et pour ce qui leur était arrivé,
27.     les Iehoudîm accomplissent et acceptent pour eux
et pour leur semence, et pour tous ceux qui s’adjoignent à eux;
et cela ne passera pas, d’être à faire ces deux jours
selon leur écrit et selon leur temps, en tout, d’année en année.
28.     Ces jours sont commémorés et faits d’âge en âge, de clan à clan,
de cité à cité, de ville à ville.
Ces jours de Pourîm ne passeront pas parmi les Iehoudîm;
leur souvenir ne finira pas en leur semence.
29.     La reine Èstér, la fille d’Abihaïl, écrit avec Mordekhaï, le Iehoudi,
avec toute autorité pour accomplir cette missive de Pourîm, la deuxième.
30.     Il envoie des actes à tous les Iehoudîm,
aux cent vingt-sept cités du royaume d’Ahashvérosh,
des paroles de paix et de vérité,
31.     pour accomplir ces jours de Pourîm en leur époque,
comme les avaient accomplis Mordekhaï, le Iehoudi, et la reine Èstér,
et comme ils les avaient accomplis, eux et leur semence,
les paroles des jeûnes et leur clameur.
32.     Le dit d’Èstér accomplit ces paroles de Pourîm: c’est écrit dans l’acte.

Chapitre 10.

Mordekhaï est grand

1.     Le roi Ahashvérosh établit une corvée sur la terre et les Îles de la mer.
2.     Tout le fait de sa puissance et de son héroïsme,
l’affaire de la grandeur de Mordekhaï, que le roi a fait grandir,
ne sont-ils pas écrits sur l’acte:
« Paroles des jours des rois de Madaï et Paras » ?
3.     Oui, Mordekhaï, le Iehoudi, le second du roi Ahashvérosh,
est grand pour les Iehoudîm, agréé par la multitude de ses frères.
Il cherche le bien de son peuple et parle de paix pour toute sa semence.