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Publications


Le Traité tripartite (NH I,5)

Auteur(s)/Directeur(s):

M. Louis Painchaud
Professeur titulaire
Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval

Les collaborateurs de la BCNH

M. Einar Thomassen
Professeur
Université de Bergen



Les Presses de l'Université Laval (Québec)
«Bibliothèque copte de Nag Hammadi [section «Textes»]», 19
1989
xviii + 542 p.
ISBN: 2-7637-7143-2


Avec ses quatre-vingt-huit pages, le Traité tripartite est le plus long des écrits de la bibliothèque de Nag Hammadi qui nous soient parvenus dans un bon état de conservation. Il constitue une véritable somme de théologie valentinienne. Ce traité est, en effet, l'oeuvre d'un maître valentinien qui expose sa compréhension du système sur lequel l'Église valentinienne a fondé sa doctrine. Dans sa forme et son contenu, il correspond aux traités sur lesquels les hérésiologues Irénée et Hippolyte ont appuyé leur présentation de l'hérésie valentinienne. Il fournit donc un accès direct à ce type de littérature, sans qu'il soit nécessaire de passer par l'interprétation, à certains égards tendancieuse, qu'en ont donnée les hérésiologues. Bien qu'il ne fasse aucun doute qu'il ait d'abord été rédigé en grec, ce texte n'est connu que par cet unique manuscrit copte. Aucun autre témoin ne nous en est parvenu, et on n'en connaît aucune mention ou citation dans la littérature ancienne.

Même si l'oeuvre se situe à l'intérieur d'une tradition d'exposition systématique du valentinisme, l'auteur n'en demeure pas moins un penseur original qui s'intéresse davantage à la structure logique du système qu'il expose qu'au détail de sa mythologie. Il se considère lui-même comme appartenant à l'Église de la chair du Seigneur (125, 4–5) et il est attentif à expliquer sa conception de l'Église et la situation de celle-ci en ce monde. Que le traité ne se donne pas explicitement lui-même pour valentinien n'a cependant rien d'étonnant puisque les valentiniens se considéraient d'abord et avant tout comme des chrétiens et ne faisaient que rarement référence à Valentin lui-même.

La comparaison du contenu du Traité tripartite avec les systèmes valentiniens décrits par les hérésiologues révèle un grand nombre d'expressions et de motifs communs. Parmi les plus caractéristiques, mentionnons: le partage de l'éon déchu en deux entités, dont l'une remonte au Plérôme; la mission du Fils-Sauveur en tant que fruit commun du Plérôme; et la tripartition entre le matériel, le psychique et le spirituel. Le recours à la catégorie intermédiaire du psychique pour attribuer une valeur positive au créateur du monde, au monde lui-même, aux Écritures juives, et aux autres chrétiens non valentiniens, est typique du valentinisme. Cette catégorie sert à distinguer l'Église valentinienne, elle même considérée comme spirituelle, des autres chrétiens et des juifs d'une part, et des groupes caractérisés par un dualisme et un anti-judaïsme radical, comme l'Église de Marcion et certains groupes gnostiques d'autre part.

La disposition du traité suit un modèle qui nous est bien connu par la présentation que font les hérésiologues du système valentinien, et dont on retrouve les principaux éléments dans certains traités gnostiques non valentiniens comme, par exemple, l'Apocryphon de Jean. Réduit à ses éléments fondamentaux, ce modèle comprend: 1° la description du Dieu transcendant et du Plérôme; 2° la passion du plus jeune et dernier des éons; 3° la mission du Sauveur et la création du monde; 4° la création de l'humanité; 5° l'avènement du Sauveur et 6° l'eschatologie. Ce modèle laisse cependant une large place aux variations individuelles.

L'importance du Traité tripartite ne tient pas seulement au fait qu'il permet de mieux comprendre un certain nombre d'éléments fondamentaux du système valentinien, mais elle tient aussi au fait qu'il nous permet d'observer jusqu'à quel point un maître pouvait donner sa propre perception du système, à partir de certains thèmes communs. Ce que les hérésiologues tournaient en dérision et présentaient comme des désaccords sans fin entre les hérétiques était en réalité l'expression d'un jeu constant sur ces thèmes communs et d'une méfiance à l'égard d'un vocabulaire figé qui aurait détourné l'attention des vérités transcendantes.

Le texte copte est établi, introduit et commenté par Einar Thomassen et il est traduit en collaboration par Louis Painchaud et Einar Thomassen.